historique Emines

SECTEUR DE LA BRUYÈRE

Paroisse Saint Lambert d'Émines

Historique

 

À Émines, la vénération de saint Lambert remonte à plus d’un millénaire. Selon la tradition, une chapelle dédiée au saint aurait déjà existé au IXème siècle. Une charte de l’église Saint-Aubain de Namur datant de 1047 atteste de l’existence d’une église dont le saint guérisseur était le patron. Durant plusieurs siècles, Émines devient une véritable destination de pèlerinage à « Saint-Lambert des Gouttes ». En effet, le saint – ayant vécu dans nos régions au VIIème siècle – y est vénéré pour différentes affections comme celles de la goutte, de la goutte sciatique, des rhumatismes, de la névralgie, de la paralysie, de la neurasthénie et plus généralement contre les affections nerveuses. Parallèlement au culte rendu au saint dans l’église paroissiale d’Émines, une chapelle fut construite dans le courant du XIXème siècle en amont du village, sur l’emplacement de la fontaine du Saint-Lambert – actuellement à la rue Trieux des Gouttes. Aujourd’hui, saint Lambert continue d’ailleurs à être fêté, même si la forme « traditionnelle » du pèlerinage a disparu. Chaque année, le dimanche le plus proche de la fête du saint patron – le 17 septembre -, une messe solennelle est célébrée autour de la chapelle en l’honneur du saint. Chants et lectures en wallon sont mis à l’honneur pour la circonstance.

Le lointain passé médiéval

La paroisse d’Émines est aujourd’hui une entité relativement bien définie, quoique l’église actuelle soit légèrement excentrée du cœur du village. À l’origine, cette situation ne prévaut pas. Au Moyen Âge, le territoire de l’ancienne commune d’Émines est subdivisé politiquement en trois seigneuries incluses au Comté de Namur : Saint-Martin, Hulplanche et Émines. Saint-Martin et Émines constituent deux véritables hameaux distincts l’un de l’autre, tandis qu’Hulplanche ne généra jamais de village à proprement parler. Dès 1392, ces trois entités appartiennent à la franchise de Vedrin, distincte de celle de Namur.

L’actuel « domaine de Saint-Martin » porte à l’origine le nom de Huy-l’Église et, plus tard, celui de Saint-Martin-Heuglise. De par ce toponyme, il est indéniable que ce hameau dispose à l’époque médiévale d’une église ou d’une chapelle, vraisemblablement dédiée à la Vierge. De l’ensemble, il ne subsiste aujourd’hui que le château-ferme, fortement remanié au cours des siècles. Les vestiges de l’église – réaménagés depuis peu en appartement privé – se limitent au mur méridional percé de deux fenêtres en mitre surmontées d’un arc cintré (XVIème siècle). Ce lieu de culte – fréquenté par les ouailles du petit hameau adjacent – est d’ailleurs construit dès avant le XIVème siècle et est réaménagé aux XVIème et XIXème siècles. Les deux remarquables pierres tombales conservées actuellement dans l’église de Saint-Denis en proviennent. L’une, usée aujourd’hui, représente le chevalier de Seumois, Jean Dores (1300-1320) ; l’autre, en meilleur état de conservation, figure Jacquemin du Chenoit (1316). Avec l’église de Saint-Denis, ces deux pierres sont deux des plus précieux témoins matériels de cette époque pour notre secteur de La Bruyère.

Tout comme Saint-Martin, le domaine d’Hulplanche remonte à l’époque médiévale – son nom originel est Huy-le-Planche. Moins importante que celle de Saint-Martin, cette seigneurie n’est constituée que d’une vaste exploitation agricole – largement remaniée aux XIXème et XXème siècles et aujourd’hui mise en valeur dans le cadre des activités de l’A.S.B.L. « Les Sens Ciel » –, sans véritable implantation villageoise. Une chapelle castrale y est aménagée à l’usage des habitants du lieu.

Les communautés de Saint-Martin et d’Hulplanche sont à cette époque toutes deux cures filiales de l’église mère de Saint-Denis.

Émines, quant à elle, constitue un petit hameau distinct situé non loin de l’actuelle Ferme de la Tour. Les villageois y disposent d’une petite église dont une première mention date de l’an 1407 – l’église Saint-Lambert.


Soubresauts de l’ère moderne

Au niveau religieux, ces trois seigneuries sont liées au diocèse de Liège (1305-1559) durant tout l’essor et le déclin du Moyen-Âge. Mais au XVIème siècle, la tutelle de Liège prend fin. Une réorganisation de la cartographie religieuse s'impose.

D'une part, la répartition des circonscriptions ecclésiastiques de nos régions (treize diocèses) remontant pour la plupart à l'époque romaine ainsi qu'au Haut Moyen-Âge ne correspond plus du tout au découpage politique des XVII Provinces. À ce moment, les treize diocèses dépendent de trois provinces ecclésiastiques situées hors du pays : Cologne, Trèves et Reims. Le diocèse de Liège, bien plus étendu que la Principauté de Liège elle-même, dépend plus particulièrement de l’archevêché de Cologne. Cette organisation ne tient d’ailleurs compte ni des langues parlées, ni de l'accroissement démographique. Une telle organisation chaotique génère nécessairement des problèmes de communication, particulièrement handicapants dans une Europe secouée par les idées des réformateurs. Les visites irrégulières dans les paroisses n'assurent plus vraiment aux autorités ecclésiastiques un contrôle efficace du clergé.

D'autre part, depuis l'hérésie de Luther au début du siècle, les progrès du protestantisme préoccupent avec acuité nos souverains catholiques, Charles Quint puis Philippe II. Comment « sauver » ce qui reste à sauver du catholicisme ? Une réorganisation rigoureuse de la répartition des diocèses donnerait ainsi une plus forte cohésion aux XVII Provinces et assurerait au souverain la nomination – et le contrôle partiel ! – du corps épiscopal. Un tel remaniement constituerait dès lors une arme efficace pour juguler les idées novatrices des réformés, un réel tremplin pour les idées de la Réforme catholique.


La réorganisation territoriale de 1559-1561

Le 12 mai 1559, le pape Paul IV consent à la réorganisation des évêchés dans nos régions. La bulle Super Universas supprime l'ancienne répartition et subdivise le territoire de nos régions en trois provinces ecclésiastiques en tenant notamment compte de l'aspect linguistique : voient ainsi le jour les archevêchés de Malines, Utrecht et Cambrai – ce dernier incluant les nouveaux diocèses d’Arras, Tournai, Saint-Omer et celui de Namur.

À la mort de Paul IV (1559), le nouveau pape Pie IV confirme la bulle de son prédécesseur. Les limites du nouveau diocèse de Namur sont définies. Bien que cette délimitation religieuse n’ait que peu à voir avec les limites de l’évêché d’aujourd’hui, les sept paroisses de notre secteur actuel de Meux-Rhisnes y sont déjà incluses. Le Projet de dotation et de circonscription de 1560 prévoit la tutelle de l’évêché de Namur sur : Bonesche, Esmynes (et hameau de Huglise), Meux (et hameaux de Mehaignoulle, Scley et Trypsee), Rysnes, Saint-Denys (et hameau de Isnes-Sauvages – bien que certains textes en fassent une dépendance de Bossière), Viller le heste et Waristoul. La bulle Ex Injucto (11 mars 1561) en assure l’application. Le Registra Vaticana de cette même année fait mention de la création des paroisses suivantes : Bovesche, Lesmynes (et hameau de Huglise – Saint-Martin-Huglise), Meux (Scley – Sclefhaie), Rysnes, S. Denis, Viller le Heste et Waristoul.

Toute cette réorganisation fait inévitablement ombrage aux anciens privilèges : ceux de la noblesse, ceux des abbayes brabançonnes et particulièrement ceux des évêques liégeois. En 1562, le chapitre de Saint-Lambert s’oppose d’ailleurs fermement à l’installation du premier évêque de Namur. Quelques chanoines et le doyen du chapitre de Saint-Aubain sont même menacés par la justice liégeoise sans que toute cette affaire tracasse les ouailles de nos paroisses.

Quoi qu’il en soit, ce remaniement territorial mené parallèlement au catholique Concile de Trente atteint son but : un meilleur contrôle du clergé dans la lutte contre la dissidence protestante. Les diocèses sont maintenant subdivisés en entités inférieures, les doyennés, ceux-ci étant constitués des différentes paroisses dont le guide avait « charge d’âme » (cura animorum). C’est d’ailleurs de cette appellation que dérive le nom de « curé ».

Les guerres de religion font rage dans la région. Le petit hameau de Saint-Martin a à souffrir de ces heurts. Il est occupé par les troupes calvinistes des États confédérés qui ne se privent pas d’y commettre de nombreuses exactions durant l’hiver de 1577. Le village est partiellement détruit dans la contre-offensive catholique menée par le gouverneur des Pays-Bas don Juan d’Autriche qui repousse sur Gembloux la menace des réformés – victoire du 31 janvier 1578.


Terne XVIIème siècle

De nombreuses guerres continuent à se dérouler dans nos campagnes et les habitants ont à souffrir des exactions commises par les nombreuses armées de passage. Par exemple, en 1644, le petit village de Saint-Martin est à nouveau occupé et en partie détruit. Il est complètement ravagé dans les mois qui précèdent le siège de Namur par les troupes de Louis XIV (1692). La petite chapelle continue néanmoins à servir de lieu de culte jusqu’au XVIIIème siècle, bien qu’en 1757, il est possible que celle-ci soit désaffectée. En effet, dans une description de la seigneurie faite par Claire-Louise de Spangen – veuve de Messire Paul Alphonse de Berlo et propriétaire à cette époque –, le clocher semble avoir disparu : « Seigneurie à clocher quoique le clocher n’existe plus, elle consiste en haute, moyenne et basse justice sur quatre charrues de labour dépendant du château et quatre maisons de manœuvriers situées sur le trieux des Frènes, commune de Saint-Martin comme aussi la cense de Seumois et dépendance, droit d’établir mayeur, échevins, greffier et sergent, amendes et confiscations, droits seigneuriaux de chasse, de pêche, déclarant qu’elle n’est chargée que d’un chapon de reconnaissance à sa Majesté, payable à la recette des Domaines de Namur. »

Situé non loin de là, le domaine d’Hulplanche subit un sort similaire puisqu’en 1743, il est provisoirement abandonné. La chapelle castrale avait encore servi en 1685 pour le baptême de Jean-Guillaume Nicolas de Heusche, célébré par le révérend curé de Saint-Denis.

De son côté, l’église d’Émines – à cette époque située au bout de l’actuel parking du Centre culturel – subit, elle aussi, de nombreuses déprédations lors du siège de Namur en 1692. Elle doit être partiellement reconstruite afin d’accueillir avec décence les nombreux pèlerins à Saint-Lambert. Un rescrit datant de 1723 précise que des travaux sont effectués afin de rendre son accès plus commode « particulièrement pour les Pèlerins, qui viennent en foule invoquer saint Lambert pour "la goutte" ». Notons en outre que parallèlement à l’afflux de pèlerins étrangers, à la même époque, les paroisses de Warisoulx et de Villers-lez-Heest sont toujours dépourvues d’église et que Saint-Lambert doit accueillir couramment les fidèles de ces paroisses, l’édifice étant dès lors trop exigu et manquant de commodités.


Le séisme révolutionnaire

En 1794, comme suite aux troubles révolutionnaires secouant notre puissant voisin français et conséquemment à la victoire française de Fleurus face aux Autrichiens, la « Belgique » est annexée. Émines – nouvelle commune créée et englobant Saint-Martin et Hulplanche – devient un territoire du département de Sambre-et-Meuse et subit dès lors la vindicte des lois françaises, notamment les lois restrictives au niveau de la pratique du culte.

En 1801, conséquemment à la signature du Concordat entre Bonaparte et le Saint-Siège, bien que sous conditions, le culte catholique est rétabli. Les paroisses sont réorganisées en fonction de la législation concordataire de 1803-1804, puis de 1807-1808. Napoléon reconnaît les nouvelles circonscriptions paroissiales arrêtées par les évêques, en accord avec les préfets.


Rétablissement

Attachée au diocèse de Namur, la paroisse d’Émines est rétablie en 1808 et attachée au doyenné de Leuze en 1837.

Comme dans la plupart des autres paroisses voisines, la hausse démographique du XIXème siècle nécessite un réaménagement de l’ancienne église paroissiale. Ce réaménagement est d’ailleurs radical puisque l’abbé Ippersiel – connu pour son dynamisme – décide de raser l’ancien édifice en 1869. En effet, à cette date, la paroisse d’Émines reçoit encore occasionnellement des fidèles venus de Warisoulx et de la chapelle de Villers-lez-Heest, ce qui nécessite la construction d’une église plus spacieuse.

Les plans d’un édifice néo-roman sont acceptés par le conseil de fabrique et par les autorités communales en date du 18 juillet 1870. Un arrêté royal du 3 octobre de la même année entérine la décision. La nouvelle église est construite dès 1871 à quelques dizaines de mètres de l’ancienne, sur un sol considéré par l’architecte comme présentant plus de stabilité. La vieille église Saint-Lambert est démolie en 1874. Une partie de son mobilier sert à équiper la nouvelle construction, notamment l’autel. Les vieux autels collatéraux, les confessionnaux et la cuve baptismale – éléments datant tous du XVIIème siècle – sont également sauvés. La nouvelle église paroissiale est inaugurée le 29 mai 1877 et le restant de l’ameublement est acquis en 1886. Le nouveau presbytère est construit par la fabrique en 1900.

Les vitraux des bas-côtés sont posés en 1962 (L. Perot) et ceux du transept en 1962-1963 (L. M. Londot).

Après la mémorable fête du centenaire de la construction du nouvel édifice (1977), il a été question de le réaménager – voire de le démolir ! – à cause de sa vétusté et de sa taille trop importante. L’évêché de Namur s’y est toujours opposé.


Situation actuelle

Le 26 septembre 1958, un décret épiscopal crée le doyenné de Saint-Servais, auquel est attachée la paroisse Saint-Lambert d’Émines – elle-même détachée du doyenné de Leuze. Deux années plus tard est érigée la région pastorale de Namur comprenant les doyennés d’Andenne, Auvelais, Fosses-la-Ville, Gembloux, Jambes, Leuze, Namur et Saint-Servais. En 1979, la paroisse d’Émines est incluse au secteur pastoral de Meux-Rhisnes, faisant lui-même partie intégrante du doyenné de Saint-Servais.

Collecte des informations, texte & photos : E. Lw. (mars-avril 2005)

© Paroisse d’Émines (ce document peut être copié tel quel en faisant simplement mention de la référence du site web ainsi que des sources utilisées)


Source des informations :

R. DELOOZ, La Bruyère. Commune du Namurois, Namur, 1986.
E. DE MOREAU s.j. (sous la dir. de), Histoire de l’Église, 3ème éd., Tournai-Paris, Casterman, 1931 (Collection belge de manuels d’histoire).
E. DE MOREAU s.j., Histoire de l’Église en Belgique, t. V : L’Église des Pays-Bas (1559-1633), Bruxelles, L’Édition Universelle, 1952.
J. GENNART s.j., Diocèse de Namur. Paroisses et édifices du culte. 1808-1979, Namur, Céruna, 1980 (Répertoires Meuse-Moselle).
X. IPPERSIEL, Saint-Martin et son histoire, dans Annales de la Société Archéologique de Namur, t. XIV : Histoire d’Émines, 1878.
F. JACQUES, Le diocèse de Namur en mars 1561. Étude de géographie historique, Bruxelles, Palais des Académies, 1968.
C. J. JOSET s.j. (et collab.), Répertoire, par diocèses et doyennés, des paroisses en 1789, Namur, Ceruna, 1980 (Répertoires Meuse-Moselle).
A. LANOTTE (sous la dir. de), Le patrimoine monumental de la Belgique, volume 5 : Province de Namur – Arrondissement de Namur, t. I (A-M), Liège, Solédi, 1975.
J. WILLEMART et a., Piété populaire en Namurois, Namur, 1989 (catalogue de l’exposition organisée par le Crédit communal et le Musée des traditions namuroises à la Maison de la culture de Namur du 8 septembre au 8 octobre 1989).

Merci à Monsieur l’abbé J.-P. Poncin, locataire à Saint-Martin, pour la visite du domaine.
Merci au père André Defoux pour les précisions relatives au « pèlerinage » actuel à saint Lambert.


Saint patron : Saint-Lambert

 

LAMBERT : avec saint Hubert et saint Willibrord, il est considéré comme un des saints qui contribua à l'implantation définitive du christianisme dans nos régions.
Né à Maastricht de parents riches, dont la famille avait donné plusieurs comtes au royaume franc, il reçut à la cour de Théodard la formation cléricale et à la cour du roi l'éducation palatine. Il se fit dès lors remarquer non seulement par ses vertus, en particulier par sa chasteté et son humilité, mais aussi par sa vigueur physique, son agilité et son courage. Fort bien vu de l'évêque Théodard, il était tout désigné pour lui succéder. Après l'assassinat de ce dernier, les suffrages du clergé et du peuple, ainsi que la grâce du roi d'Austrasie Childéric II, le portèrent au trône pontifical.
Après le meurtre de Childéric II, Ebroïn contraignit Lambert à céder son siège à un intrus, Pharamond. Il se retira à l'abbaye de Stavelot où il demeura sept années, édifiant les moines par sa vie pieuse et régulière. Après la mort violente d'Ebroïn, Lambert put quitter son exil (682). Il exerça bientôt une grande autorité sur le roi, Clovis III (690-694), et le maire du palais, Pépin II.
La mort tragique de saint Lambert doit être regardée comme un des événements les plus considérables de l'histoire de Liège. C'est à elle que la modeste villa qui avait d'abord appartenu au domaine public, puis à l'Église de Maastricht, doit être devenue une grande cité. On a longuement discuté sur les causes de ce drame. D'après la Vita Landiberti, deux hommes méchants, à savoir Gall et Riold, ne cessaient de molester l'évêque et ses ministres. Ils se rendaient coupables envers eux d'actions perverses. Tous en étaient irrités. Des amis du pontife, remplis de colère et de tristesse, mirent à mort ces deux individus, "comme ils l'avaient bien mérité". Or Gall et Riold avaient des liens de famille avec le puissant domesticus, Dodon, préposé à l'administration du fisc et des domaines royaux. Dodon jura de venger ses proches. Un matin, avec une troupe de gens armés, il surprit le pontife dans la villa de Liège. L'évêque saisit une épée pour se défendre, mais bientôt il la rejeta. Ses deux neveux, Pierre et Andolet, parvinrent d'abord à repousser les envahisseurs. Ceux-ci renouvelèrent leurs assauts et massacrèrent une partie de la suite du saint. Un des sicaires monta sur le toit de la maisonnette et, d'un coup de lance il étendit par terre l'évêque qui priait. C'était le 17 septembre de l'année 705.
Ainsi le meurtre de Gall et de Riold se trouvait vengé à la fois par la mort du pontife innocent et par celle de ses neveux coupables. En effet Lambert, près d'expirer, accusa formellement Pierre et Andolet d'être les auteurs du meurtre de Gall et de Riold. Mais l'auteur de la Vita Landiberti, impressionné par la gravité des injures faites au saint pontife et à ses ministres, cherche à les absoudre.
Quoi qu'il en soit, Lambert fut vite canonisé par la voix populaire. Des témoignages indiscutables de la première moitié du VIIIème siècle prouvent que, dès lors, conformément à une pratique fort usitée au moyen âge, on lui décerna le titre de martyr. Le corps avait été transporté en bateau de Liège à Maastricht et déposé dans la basilique de Saint-Pierre de Maastricht. Des anges, prétend le premier biographe de la Vita Landiberti, se chargeaient de garder son tombeau. Bien plus, ils chantaient nuit et jour pour l'honorer. À Liège, dans la maisonnette où avait été répandu son sang, s'allumaient miraculeusement des cierges. Deux hommes et une femme aveugles recouvrèrent la vue. Les meurtriers du saint, à commencer par Dodon lui-même, furent atteints par la main de Dieu.
Le cadavre du saint ayant dans un premier temps été déposé dans la tombe de son père, à l'église Saint-Pierre de Maastricht, la dévotion populaire se portait de préférence du côté de Liège, vers la maison où s'était déroulé le drame. Là s'opéraient les principaux miracles. Aussi vit-on la foule, jeunes et vieux, hommes et femmes, concourir allègrement à l'édification d'une basilique.
La cérémonie de la translation put se dérouler, le 24 décembre 717 ou 718, semble-t-il. À Nivelle-sur-Meuse et à Herstal, où s'arrêta le cortège, se produisirent des miracles. La foule reconnaissante s'empressa d'y élever des "basiliques". Pour recevoir dignement les reliques du martyr, on avait construit dans l'église Saint-Lambert un mausolée "admirablement orné par le travail des artistes, par l'abondance de l'or, de l'argent, des pierres précieuses et des joyaux de toute espèce, apportés alors et dans la suite par les riches et les puissants du jour".


Source : d'après DE MOREAU, É., s.j.,
Histoire de l'Église en Belgique des origines aux débuts du XIIème siècle, t. I,
Bruxelles, L'Édition Universelle S.A., 1940, p. 91-104.